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» Le fils de Cromwell a sans doute fait l’action la plus sage qu’un homme puisse faire ; il a préféré l’obscurité et le repos à l’embarras et au danger de gouverner un peuple sombre, fougueux et fier. Ce sage a été méprisé de son vivant et par la postérité, et son père est resté un grand homme au jugement des nations.

» La Belle Pénitente est un sujet sublime du théâtre espagnol[1], gâté en anglais et en français par Otway et Colardeau. Caliste a été violée par un homme qu’elle adore, que les fougues d’orgueil de son caractère rendent odieux, mais que ses talents, son esprit, les grâces de sa figure, tout enfin concourt à rendre séduisant. Lothario eût été trop aimable, s’il eût su modérer de coupables transports ; du reste, une haine héréditaire et atroce divise sa famille et celle de la femme qu’il aime. Ces familles sont à la tête des deux factions qui partagent une ville d’Espagne durant les horreurs du moyen âge. Sciolto, le père de Caliste, est le chef de l’autre faction qui dans ce moment a le dessus ; il sait que Lothario a eu l’insolence de vouloir séduire sa fille. La faible Caliste succombe sous les tourments de sa honte et de sa passion. Son père est parvenu à faire don-

  1. Voir les romances espagnoles et danoises du xiiie siècle ; elles paraîtraient plates ou grossières au goût français.