Page:Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

venir avec plaisir de cet instant, qu’à cause de la circonstance qu’il a été sauvé, et non pour les trésors de générosité qu’il a découverts en lui-même, et qui ôtent à l’avenir toutes ses craintes. »

Moi. — L’amour, même malheureux, donne à une âme tendre, pour qui la chose imaginée est la chose existante, des trésors de jouissance de cette espèce ; il y a des visions sublimes de bonheur et de beauté chez soi et chez ce qu’on aime. Que de fois Salviati n’a-t-il pas entendu Léonore lui dire, comme mademoiselle Mars dans les Fausses Confidences, avec son sourire enchanteur : « Eh bien ! oui, je vous aime ! » Or, voilà de ces illusions qu’un esprit sage n’a jamais.

Fulvia, levant les yeux au ciel. — Oui, pour vous et pour moi, l’amour, même malheureux, pourvu que notre admiration pour l’objet aimé soit infinie, est le premier des bonheurs.

(Fulvia a vingt-trois ans ; c’est la beauté la plus célèbre de *** ; ses yeux étaient divins en parlant ainsi, et se levant vers ce beau ciel des îles Borromées, à minuit ; les astres semblaient lui répondre. J’ai baissé les yeux et n’ai plus trouvé de raisons philosophiques pour la combattre. Elle a continué) : Et tout ce que le monde appelle le bonheur ne vaut pas ses peines.