Page:Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

évidence parfaite pour la majeure partie des hommes, et en particulier pour les froids philosophes qui, en fait de passions, ne vivent presque que de curiosité et d’amour-propre.

Ce qui précède, je le disais hier soir à la contessina Fulvia, en nous promenant sur la terrasse de l’Isola-Bella, à l’orient, près du grand pin. Elle me répondit : « Le malheur produit une beaucoup plus forte impression sur l’existence humaine que le plaisir.

» La première vertu de tout ce qui prétend à nous donner le plaisir, c’est de frapper fort.

» Ne pourrait-on pas dire que la vie elle-même n’étant faite que de sensations, le goût universel de tous les êtres qui ont vie est d’être avertis qu’ils vivent par les sensations les plus fortes possibles ? Les gens du Nord ont peu de vie ; voyez la lenteurs de leurs mouvements. Le dolce farniente des Italiens, c’est le plaisir de jouir des émotions de son âme, mollement étendu sur un divan, plaisir impossible, si l’on court toute la journée à cheval ou dans un droski, comme l’Anglais ou le Russe. Ces gens mourraient d’ennui sur un divan. Il n’y a rien à regarder dans leurs âmes.

» L’amour donne les sensations les plus