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était si grande chez ces deux jolies créatures, que chacune n’était occupée que de soi et de l’effet qu’elle devait produire.

98.

J’en conviens, dès le lendemain d’une grande action, un orgueil sauvage a fait tomber ce peuple dans toutes les fautes et les niaiseries qui se sont présentées. Voici pourtant ce qui m’empêche d’effacer les louanges que je donnais autrefois à ce représentant du moyen âge.

La plus jolie femme de Narbonne est une jeune Espagnole à peine âgée de vingt ans, qui vit là fort retirée avec son mari espagnol aussi et officier en demi-solde. Cet officier fut obligé, il y a quelque temps, de donner un soufflet à un fat : le lendemain sur le champ de bataille, le fat voit arriver la jeune Espagnole ; nouveau déluge de propos affectés : « Mais en vérité c’est une horreur, comment avez-vous pu dire cela à votre femme, madame vient pour empêcher notre combat ? » — Je viens vous enterrer, répond la jeune Espagnole.

Heureux le mari qui peut tout dire à sa femme. Le résultat ne démentit pas la fierté du propos. Cette action eût passé pour peu convenable en Angleterre. Donc