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seulement à ce qu’il admire, passe encore pour cela ; mais même à son voisin, si ce voisin s’avise de se moquer de ce qu’il admire.

En Allemagne, en Italie, en Espagne, l’admiration est au contraire pleine de bonne foi et de bonheur ; là, l’admirant a orgueil de ses transports et plaint le siffleur ; je ne dis pas le moqueur, c’est un rôle impossible dans des pays où le seul ridicule est de manquer la route du bonheur, et non l’imitation d’une certaine manière d’être. Dans le midi la méfiance, et l’horreur d’être troublé dans des plaisirs vivement sentis met une admiration innée pour le luxe et la pompe. Voyez les cours de Madrid et de Naples ; voyez une funzione à Cadix, cela va jusqu’au délire[1].

2o Un français se croit l’homme le plus malheureux et presque le plus ridicule, s’il est obligé de passer son temps seul. Or, qu’est-ce que l’amour sans solitude ?

3o Un homme passionné ne pense qu’à soi, un homme qui veut de la considération ne pense qu’à autrui ; il y a plus, avant 1789, la sûreté individuelle ne se trouvait en France qu’en faisant partie

  1. Voyage en Espagne de M. Semple ; il peint vrai, et l’on trouvera une description de la bataille de Trafalgar, entendue dans le lointain, qui laisse un souvenir.