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autant qu’un autre ; du moins je lui ai connu deux maîtresses charmantes.

Quant au sanguin parfait (le vrai Français, qui prend tout du beau côté, le colonel Mathis), un rendez-vous pour demain à midi, au lieu de le tourmenter par excès de sentiment, peint tout en couleur de rose jusqu’au moment fortuné. S’il n’eût pas eu de rendez-vous, le sanguin se serait un peu ennuyé.

Voyez l’analyse de l’amour par Helvétius ; je parierais qu’il sentait ainsi, et il écrivait pour la majorité des hommes. Ces gens-là ne sont guère susceptibles de l’amour-passion ; il troublerait leur belle tranquillité ; je crois qu’ils prendraient ses transports pour du malheur ; du moins ils seraient humiliés de sa timidité.

Le sanguin ne peut connaître tout au plus qu’une espèce de fiasco moral : c’est lorsqu’il reçoit un rendez-vous de Messaline et que, au moment d’entrer dans son lit, il vient à penser devant quel terrible juge il va se montrer.

Le timide tempérament mélancolique parvient quelquefois à se rapprocher du sanguin, comme dit Montaigne, par l’ivresse du vin de Champagne, pourvu toutefois qu’il ne se la donne pas exprès. Sa consolation doit être que ces gens si brillants qu’il envie, et dont jamais il ne sau-