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sur les bords d’un précipice affreux. Outre le ridicule, l’amour voit toujours à ses côtés le désespoir d’être quitté par ce qu’on aime, et il ne reste plus qu’un dead blank pour tout le reste de la vie.

La perfection de la civilisation serait de combiner tous les plaisirs délicats du {s|xix}} avec la présence plus fréquente du danger[1]. Il faudrait que les jouissances de la vie privée pussent être augmentées à l’infini en s’exposant souvent au danger. Ce n’est pas purement du danger militaire que je parle. Je voudrais ce danger de tous les moments, sous toutes les formes, et pour tous les intérêts de l’existence qui formaient l’essence de la vie au moyen âge. Le danger tel que notre civilisation l’a arrangé et paré, s’allie fort bien avec la plus ennuyeuse faiblesse de caractère.

Je vois dans A voice from Saint-Helena, de M. O’Meara, ces paroles d’un grand homme :

  1. J’admire les mœurs du temps de Louis XIV : on passait sans cesse et en trois jours, des salons de Marly aux champs de bataille de Senef et de Ramillies. Les épouses, les mères, les amantes, étaient dans des trames continuelles. Voir les lettres de Mme de Sévigné. La présence du danger avait conservé dans la langue une énergie et une franchise que nous n’oserions plus hasarder aujourd’hui ; mais aussi M. de Lameth tuait l’amant de sa femme. Si un Walter Scott nous faisait un roman du temps de Louis XIV, nous serions bien étonnés.