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je n’en crois rien. Votre maîtresse, devenue votre amie intime, vous donne d’autres plaisirs, les plaisirs de la vieillesse. C’est une fleur qui après avoir été rose le matin, dans la saison des fleurs, se change en un fruit délicieux le soir, quand les roses ne sont plus de saison[1].

Une maîtresse désirée trois ans est réellement maîtresse dans toute la force du terme ; on ne l’aborde qu’en tremblant, et, dirais-je aux don Juan, l’homme qui tremble ne s’ennuie pas. Les plaisirs de l’amour sont toujours en proportion de la crainte.

Le malheur de l’inconstance, c’est l’ennui ; le malheur de l’amour-passion, c’est le désespoir et la mort. On remarque les désespoirs d’amour, ils font anecdote ; personne ne fait attention aux vieux libertins blasés qui crèvent d’ennui et dont Paris est pavé.

« L’amour brûle la cervelle à plus de gens que l’ennui. » — Je le crois bien, l’ennui ôte tout, jusqu’au courage de se tuer.

Il y a tel caractère fait pour ne trouver le plaisir que dans la variété. Mais un homme qui porte aux nues le vin de Champagne aux dépens du bordeaux, ne fait que

  1. Voir les Mémoires de Collé, sa femme