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Je répondais : « Il n’y a que l’imagination qui échappe pour toujours à la satiété. Chaque femme inspire un intérêt différent, et bien plus, la même femme, si le hasard vous la présente deux ou trois ans plus tôt ou plus tard dans le cours de la vie, et si le hasard veut que vous aimiez, est aimée d’une manière différente. Mais une femme tendre, même en vous aimant, ne produirait sur vous, par ses prétentions à l’égalité, que l’irritation de l’orgueil. Votre manière d’avoir les femmes tue toutes les autres jouissances de la vie ; celle de Werther les centuple ».

Ce triste drame arrive au dénouement. On voit le don Juan vieillissant s’en prendre aux choses de sa propre satiété, et jamais à soi. On le voit tourmenté du poison qui le dévore, s’agiter en tous sens et changer continuellement d’objet. Mais quel que soit le brillant des apparences, tout se termine pour lui à changer de peine ; il se donne de l’ennui paisible, ou de l’ennui agité ; voilà le seul choix qui lui reste.

Enfin il découvre et s’avoue à soi-même cette fatale vérité ; dès lors il est réduit pour toute jouissance à faire sentir son pouvoir, et à faire ouvertement le mal pour le mal. C’est aussi le dernier degré du malheur habituel ; aucun poète n’a osé en pré-