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« Un colonel généralement estimé fut obligé, dans une course de montagnes, de passer la nuit au fond d’une des vallées les plus solitaires et les plus pittoresques du pays. Il logea chez le premier magistrat de la vallée, homme riche et accrédité. L’étranger remarqua en entrant une jeune fille de seize ans, modèle de grâce, de fraîcheur et de simplicité ; c’était la fille du maître de la maison. Il y avait ce soir-là bal champêtre : l’étranger fit la cour à la jeune fille qui était réellement d’une beauté frappante. Enfin, se faisant courage, il osa lui demander s’il ne pourrait pas veiller avec elle. — « Non, répondit la jeune fille, je couche avec ma cousine, mais je viendrai moi-même chez vous. » Qu’on juge du trouble que causa cette réponse. On soupe, l’étranger se lève, la jeune fille prend le flambeau et le suit dans sa chambre, il croit toucher au bonheur. — « Non, lui dit-elle avec candeur, il faut d’abord que je demande permission à maman. » La foudre l’eût moins atterré. Elle sort, il reprend courage et se glisse auprès du salon de bois de ces bonnes gens ; il entend la fille qui d’un ton caressant priait sa mère de lui accorder la permission qu’elle désirait : elle l’obtient enfin. « N’est-ce pas, vieux, dit la mère à son mari qui était déjà au lit, tu consens que Trineli passe