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du bonheur sans amour, et il y a toujours une chose qu’un Français respecte plus que sa maîtresse, c’est sa vanité.

Un jeune homme de Paris prend dans une maîtresse une sorte d’esclave, destinée surtout à lui donner des jouissances de vanité. Si elle résiste aux ordres de cette passion dominante, il la quitte et n’en est que plus content de lui, en disant à ses amis avec quelle supériorité de manières, avec quel piquant de procédés il l’a plantée là.

Un Français qui connaissait bien son pays (Meilhan) dit : « En France les grandes passions sont aussi rares que les grands hommes. »

La langue manque de termes pour dire combien est impossible pour un Français le rôle d’amant quitté, et au désespoir, au vu et au su de toute une ville. Rien de plus commun à Venise ou à Bologne.

Pour trouver l’amour à Paris, il faut descendre jusqu’aux classes dans lesquelles l’absence de l’éducation et de la vanité et la lutte avec les vrais besoins ont laissé plus d’énergie.

Se laisser voir avec un grand désir non satisfait, c’est laisser voir soi inférieur, chose impossible en France, si ce n’est