Page:Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il est obligé de mettre ses pensées en petite monnaie s’il veut être entendu, et il serait ridicule d’attendre des conseils raisonnables d’un esprit qui a besoin d’un tel régime pour saisir les objets. La femme la plus parfaite, suivant les idées de l’éducation actuelle, laisse son partner isolé dans les dangers de la vie et bientôt court risque de l’ennuyer.

Quel excellent conseiller un homme ne trouverait-il pas dans sa femme si elle savait penser ! un conseiller dont, après tout, hors un seul objet, et qui ne dure que le matin de la vie, les intérêts sont exactement identiques avec les siens.

Une des plus belles prérogatives de l’esprit, c’est qu’il donne de la considération à la vieillesse. Voyez l’arrivée de Voltaire à Paris. Elle fit pâlir la majesté royale. Mais quant aux pauvres femmes, dès qu’elles n’ont plus le brillant de la jeunesse, leur unique et triste bonheur est de pouvoir se faire illusion sur le rôle qu’elles jouent dans le monde.

Les débris des talents de la jeunesse ne sont plus qu’un ridicule, et ce serait un bonheur pour nos femmes actuelles de mourir à cinquante ans. Quant à la vraie morale, plus on a d’esprit et plus on voit clairement que la justice est le seul chemin du bonheur. Le génie est un pouvoir,