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auteur ? — Exactement comme vous annoncez le projet de faire chanter votre fille à l’Opéra en lui donnant un maître de chant. Je dirai qu’une femme ne doit jamais écrire que comme Mme de Staal (de Launay), des œuvres posthumes à publier après sa mort. Imprimer pour une femme de moins de cinquante ans, c’est mettre son bonheur à la plus terrible des loteries ; si elle a le bonheur d’avoir un amant, elle commencera par le perdre.

Je ne vois qu’une exception, c’est une femme qui fait des livres pour nourrir ou élever sa famille. Alors elle doit toujours se retrancher dans l’intérêt d’argent en parlant de ses ouvrages, et dire, par exemple, à un chef d’escadron : « Votre état vous donne quatre mille francs par an, et moi avec mes deux traductions de l’anglais j’ai pu, l’année dernière, consacrer trois mille cinq cents francs de plus à l’éducation de mes deux fils. »

Hors de là, une femme doit imprimer comme le baron d’Holbach ou Mme de la Fayette ; leurs meilleurs amis l’ignoraient. Publier un livre ne peut être sans inconvénient que pour une fille ; le vulgaire pouvant la mépriser à son aise à cause de son état, la portera aux nues à cause de son talent, et même s’engouera de ce talent.