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dix mille livres de rente travaille en faisant des bas, ou une robe pour sa fille. Mais il est impossible d’accorder qu’une femme qui a carrosse à elle travaille en faisant une broderie ou un meuble de tapisserie. À part quelques petites lueurs de vanité, il est impossible qu’elle y mette aucun intérêt ; elle ne travaille pas.

Donc son bonheur est gravement compromis.

Et, qui plus est, le bonheur du despote, car une femme dont le cœur n’est animé depuis deux mois par aucun intérêt autre que celui de la tapisserie, aura peut-être l’insolence de sentir que l’amour-goût, ou l’amour de vanité, ou enfin même l’amour-physique est un très grand bonheur comparé à son état habituel.

Une femme ne doit pas faire parler de soi. — À quoi je réponds de nouveau, quelle est la femme citée parce qu’elle sait lire ?

Et qui empêche les femmes, en attendant la révolution dans leur sort, de cacher l’étude qui fait habituellement leur occupation et leur fournit chaque jour une honnête ration de bonheur ? Je leur révélerai un secret, en passant : lorsqu’on s’est donné un but, par exemple de se faire une idée nette de la conjuration de Fiesque, à Gênes, en 1547, le livre le plus insipide prend de l’intérêt ; c’est