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vous occasionner. J’aimerais presque mieux que ma femme, dans un moment de colère, essayât de me donner un coup de poignard une fois par an, que de me recevoir avec humeur, tous les soirs.

Enfin entre gens qui vivent ensemble, le bonheur est contagieux.

Que votre amie ait passé la matinée, pendant que vous étiez au Champ de Mars ou à la Chambre des Communes, à colorier une rose, d’après le bel ouvrage de Redouté, ou à lire un volume de Shakespeare, ses plaisirs auront été également innocents ; seulement avec les idées qu’elle a prise dans sa rose, elle vous ennuiera bientôt à votre retour, et de plus elle aura soif d’aller le soir dans le monde chercher des sensations un peu plus vives. Si elle a bien lu Shakespeare au contraire, elle est aussi fatiguée que vous, a eu autant de plaisir, et sera plus heureuse d’une promenade solitaire dans le bois de Vincennes, en vous donnant le bras, que de paraître dans la soirée la plus à la mode. Les plaisirs du grand monde n’en sont pas pour les femmes heureuses.

Les ignorants sont les ennemis nés de l’éducation des femmes. Aujourd’hui ils passent leur temps avec elles, ils leur font l’amour, et en sont bien traités ; que deviendraient-ils si les femmes venaient à se