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sur un mérite utile ou agréable à la société.

Les demi-sots entraînés par la révolution qui change tout en France, commencent à avouer, depuis vingt ans, que les femmes peuvent faire quelque chose ; mais elles doivent se livrer aux occupations convenables à leur sexe : élever des fleurs, former des herbiers, faire nicher des serins, on appelle cela des plaisirs innocents.

1o Ces innocents plaisirs valent mieux que de l’oisiveté. Laissons cela aux sottes, comme nous laissons aux sots la gloire de faire des couplets, pour la fête du maître de la maison. Mais est-ce de bonne foi, que l’on voudrait proposer à Mme Roland ou à Mistress Hutchinson[1] de passer leur temps à élever un petit rosier du Bengale ?

Tout ce raisonnement se réduit à ceci : l’on veut pouvoir dire de son esclave : Il est trop bête pour être méchant.

Mais au moyen d’une certaine loi nommée sympathie, loi de la nature qu’à la vérité les yeux vulgaires n’aperçoivent jamais, les défauts de la compagne de votre vie ne nuisent pas à votre bonheur, en raison du mal direct qu’ils peuvent

  1. Voir les Mémoires de ces femmes admirables. J’aurais d’autres noms à citer, mais ils sont inconnus du public, et d’ailleurs on ne peut pas même indiquer le mérite vivant.