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dix ou douze bons volumes qui paraissent chaque année en Europe, elles abandonneront bientôt le soin de leurs enfants. — C’est comme si nous avions peur, en plantant d’arbres le rivage de l’Océan, d’arrêter le mouvement de ses vagues. Ce n’est pas dans ce sens que l’éducation est toute-puissante. Au reste depuis quatre cents ans l’on présente la même objection contre toute espèce d’éducation. Non seulement une femme de Paris a plus de vertus en 1820 qu’en 1720, du temps du système de Law et du régent, mais encore la fille du fermier général le plus riche d’alors avait une moins bonne éducation que la fille du plus mince avocat d’aujourd’hui. Les devoirs du ménage en sont-ils moins bien remplis ? non certes. Et pourquoi ? c’est que la misère, la maladie, la honte, l’instinct, forcent à s’en acquitter. C’est comme si l’on disait d’un officier qui devient trop aimable, qu’il perdra l’art de monter à cheval ; on oublie qu’il se cassera le bras la première fois qu’il prendra cette liberté.

L’acquisition des idées produit les mêmes effets bons et mauvais chez les deux sexes. La vanité ne nous manquera jamais même dans l’absence la plus complète de toutes les raisons d’en avoir ; voyez les bourgeois d’une petite ville ; forçons-la du moins à s’appuyer sur un vrai mérite,