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qu’une petite fille de dix ans a vingt fois plus de finesse qu’un petit polisson du même âge. Pourquoi à vingt ans est-elle une grande idiote, gauche, timide et ayant peur d’une araignée et le polisson un homme d’esprit ?

Les femmes ne savent que ce que nous ne voulons pas leur apprendre, que ce qu’elles lisent dans l’expérience de la vie. De là l’extrême désavantage pour elles de naître dans une famille très riche ; au lieu d’être en contact avec des êtres naturels à leur égard, elles se trouvent environnées de femmes de chambre ou de dames de compagnie déjà corrompues et étiolées par la richesse[1]. Rien de bête comme un prince.

Les jeunes filles se sentant esclaves ont de bonne heure les yeux ouverts ; elles voient tout, mais sont trop ignorantes pour voir bien. Une femme de trente ans, en France, n’a pas les connaissances acquises d’un petit garçon de quinze ans ; une femme de cinquante la raison d’un homme de vingt-cinq. Voyez Mme de Sévigné admirant les actions les plus absurdes de Louis XIV. Voyez la puérilité des raisonnements de Mme d’Épinay[2].

  1. Mémoires de madame de Staal, de Collé, de Duclos, de la margrave de Bareuth.
  2. Premier volume.