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son caractère, donnez-lui enfin une bonne éducation dans le vrai sens du mot, s’apercevant tôt ou tard de sa supériorité sur les autres femmes, elle devient pédante, c’est-à-dire l’être le plus désagréable et le plus dégradé qui existe au monde. Il n’est aucun de nous qui ne préférât, pour passer la vie avec elle, une servante à une femme savante.

Plantez un jeune arbre au milieu d’une épaisse forêt, privé d’air et de soleil par ses voisins, ses feuilles seront étiolées, il prendra une forme élancée et ridicule qui n’est pas celle de la nature. Il faut planter à la fois toute la forêt ; quelle est la femme qui s’enorgueillit de savoir lire ?

Des pédants nous répètent depuis deux mille ans que les femmes ont l’esprit plus vif et les hommes plus de solidité ; que les femmes ont plus de délicatesse dans les idées, et les hommes plus de force d’attention. Un badaud de Paris qui se promenait autrefois dans les jardins de Versailles concluait aussi de tout ce qu’il voyait que les arbres naissent taillés.

J’avouerai que les petites filles ont moins de force physique que les petits garçons : cela est concluant pour l’esprit, car l’on sait que Voltaire et d’Alembert étaient les premiers hommes de leur siècle pour donner un coup de poing. On convient