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tout le-monde, sera toujours un pauvre homme.

Barnave me servira encore à te prouver que les hommes animés d’une grande passion l’emportent toujours sur les hommes qui ne le sont pas. Certainement M. Barthélémy d’Orbane (celui qui m’a montré les grimaces)[1] était, au commencement de la Révolution, plus instruit que Barnave. Cependant, quelle différence entre ces deux hommes ! dans dix ans, on ne parlera plus de M. Barthélémy d’Orbane et on citera encore dans cent ans Barnave comme un grand homme moissonné dans sa jeunesse. Tu peux même remarquer qu’en parlant, on dit déjà Monsieur d’Orbane et qu’on dit Barnave tout court.

Tu auras peut-être la curiosité de me demander quels sont les hommes supérieurs de Grenoble dans ce moment-ci : je te répondrai Gros[2] et Plana [3], ce jeune homme qui devait t’apporter de la musique d’Italie. Gros serait devenu un Lagrange, s’il avait cultivé sa science,

  1. Vie de Henri Brulard, chap. 5.
  2. Georges Gros, professeur de mathématiques de Beyle qui en a parlé dans son Journal et la Vie d’Henri Brulard et l’a mis en scène dans le Rouge et le Noir et dans Lucien Leuwen.
  3. Un des amis et condisciples de Beyle, d’origine Piémontaise et qui fit sa carrière plus tard à Turin comme professeur de mathématique et astronome.