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Il est à remarquer que tous les hommes parviennent à faire ce qui leur est abso­lument nécessaire. Quoi de plus difficile que d'apprendre à lire, et cependant les plus badauds savent lire. Donc, quand un enfant n'apprend pas une chose, c'est la faute de ses instituteurs, qui ne lui font pas désirer de savoir cette chose ; là-dessus, leur bêtise est grande : l'instituteur de Gaëtan lui dit tout le jour qu'il faut qu'un homme sache le latin ; le pauvre Gaëtan ne voit point la preuve de cela, et il ne fait point de progrès. Si l'homme au grand nez qui lui montre le latin se donnait la peine d'étudier son caractère, il verrait qu'il est gourmand ; il n'aurait rien de plus pressé que de faire un tarif, il écri­rait d'abord :

« Quand Gaëtan n'aura pas du tout travaillé, il dînera avec de la soupe, du pain et de l'eau ;

« Lorsqu'il saura ses leçons, il mangera des légumes ;

« Lorsqu'il aura bien fait sa version, il aura du gigot ;

« Enfin, quand il saura ses leçons et aura bien fait sa version et son thème,il mangera de ce qu'il voudra. »

Il serait possible que, avec ces sept lignes on fît du pauvre Gaëtan, dont tout le monde se moque, un des plus grands