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30. —— A

A EDOUARD MOUNIER

Paris, 21 Nivôse XI.
[Mardi, 11 Janvier 1803.]

QU'AURAIS-JE pu vous dire, mon cher Mounier, pendant six mois de ma vie passés dans la folie la plus complète ? Je l'ai enfin connue cette passion que ma jeunesse ardente souhaita avec tant d'ardeur. Mais à présent que l'aimable galanterie a pris la place de ce sombre amour, après avoir été tant plai­santé par mes amis, je puis en plaisanter avec vous. Oui, mon ami, j'étais amou­reux et amoureux d'une singulière manière, d'une jeune personne que je n'avais fait qu'entrevoir, et qui n'avait récompensé que par des mépris la passion, la mieux sentie.Mais enfin tout est fini ; je n'ai plus le temps de rêver, je danse presque chaque jour. En qualité de fou, je me suis mis sous la tutelle de mes amis, qui n'ont trouvé d'autre moyen de me guérir que de me faire devenir amoureux. Aussi suis-je tombé épris d'une femme de banquier très jolie ; j'ai dansé plusieurs fois avec elle, je me suis fait présenter dans ses