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en amitié comme en amour, lorsque une fois l'on s'est vu, lorsque les âmes se sont senties, est-il possible de changer ? Mais je veux bien vous pardonner, à condition que vous m'écrirez bien vite et sou­vent.

Depuis votre départ, tout Paris a couru à une représentation du Mariage de Fi­garo, donnée dans la salle de l'Opéra au profit de Mlle Contat ; l'assemblée était nombreuse, toutes les élégantes célèbres par leur beauté ou leurs aventures étaient venues y étaler leurs grâces, et je vous avouerai que j'ai trouvé le spectacle des loges beaucoup plus intéressant que celui qui nous avait rassemblés. J'ai été très mécontent de Dugazon, qui a fait un plat bouffon du spirituel Figaro. Fleury, Alma-viva, et Mlle Contat, la Comtesse, ont joué assez médiocrement; mais, en revanche, Mlle Mars a rendu divinement le rôle du page Chérubin. Je n'ai jamais rien vu de si touchant que ce jeune homme aux pieds de la comtesse qu'il adore, recevant ses adieux au moment de partir pour l'armée ; des deux côtés, ces sentiments contraints qu'ils n'osent s'avouer, ces yeux qui s'entendent si bien quoique leurs bouches n'aient pas osé parler. Quel tableau plus naturel et en même temps plus intéres­sant ? Beaumarchais avait très bien amené