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venu de mon régiment pour peu de jours, mais ma mission m'a retenu à Milan plus que je ne le croyais. J'espère cepen­dant partir un de ces jours. Tous les Français qui sont à Milan n'entendent plus depuis trois jours ; les deux ou trois mille cloches qui y existent sont dans les convulsions les plus étranges. Tu ne peux te former l'idée de l'espèce de tin­tamarre qu'elles font. Malgré un gros rhume, que les brouillards épais de la Lombardie m'ont donné, je suis allé hier au spectacle qui était le premier du Car­naval. Tu ne peux te former l'idée de la beauté des décorations et du luxe des costumes ; l'illusion est complète dans une salle comme celle de Milan. Imagine-toi la place Grenette couverte et tous les balcons avec des jalousies de taffetas de toutes couleurs, les plus petites loges sont comme le cabinet dans lequel je cou­chais à Grenoble. Chacun a, dans la sienne, des bougies allumées, une table, des cartes, et ordinairement l'on fait venir des ra­fraîchissements pour les dames. Danses-tu quelquefois au Carnaval ? Apprends-tu l'histoire ? C'est l'étude que je te désire parce qu'après elle tu pourras lire les voyages et par eux étudier les mœurs et les usages de nos voisins.
J'espère que cette fois tu rompras le