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plus douces dans ce moment où mon père m'abandonne de la manière la plus cruelle. Imagine-toi que, par un froid de 10 degrés, je n'ai point de bois ni de chandelles ; je n'en suis pas moins gai pour cela ; ça m'empêche seulement de travailler ; ne pouvant être chez moi, je cours tout le jour, et cette vie inoccupée accommode assez ma paresse.

Mon oncle1 qui était arrivé le 11 fri­maire, jour du couronnement, mais à deux heures du matin, est parti hier à neuf heures ; je te conterai, au printemps, toutes ces fêtes que j'ai parfaitement vues. Je t'avais envoyé Vauvenargues, et h Gaétan les Lettres persanes ; mais mon grand-père m'écrit que je suis un homme si dangereux, qu'il a cru à propos de les lire avant de vous les donner. Le procès des pauvres Lettres persanes est déjà ter­miné ; elles ne seront pas remises, comme attentatoires à la religion et à la pudeur ; quant à Vauvenargues, qui finit cependant par une prière, on l'examine encore.

Pour les provinciaux, tout ce qui est raisonnement est philosophie, et tout ce qui est philosophie est odieux ; le fort déplaît toujours au faible ; voilà le secret de bien des inimitiés : je ne puis te com-

1. Romain Gagnera.