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avoir la clef. Je comprends tous les jours, par ce q_ue je vois, des traits sur lesquels je glissais en lisant ce grand peintre.

La Bruyère a bien peint les mœurs de la bonne compagnie de son temps ; le tableau serait bien différent aujourd'hui : la bonne compagnie est infiniment plus raisonnable et plus honnête. En feignant la gaieté, on finit par ne plus songer à ses maux ; il y a donc une disposition à la tristesse ou à la gaieté. Depuis deux mois que je n'ai pas lieu d'être content, je suis plus gai que jamais, parce que Dieu m'a fait comprendre que souffrir était d'un sot, et qu'à une chose arrivée tout le remède était de n'y plus penser ou d'en plai­santer. Je crus d'abord que c'était par hasard que je tournais mes maux en plai­santerie et que je n'y pensais plus : avec un peu de soin, tu prendras cette habitude.

C'est le plus beau secret que je puisse te donner, avec celui pourtant d'étudier le cœur et la lêle de l'homme. Tu connais bien le cœur et tu as une âme ardente qui te l'explique assez ; reste la tête. Je t'enverrai incessamment l'Idéologie de Tracy ; c'est là la seule chose qui reste, tout le reste est de mode, et ce qui est charmant aujourd'hui, an XIII, sera ridi­cule en l'an XL. La science de l'homme te rendra la femme la plus spirituelle de