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J'ai encore ces vers divins dans la mé­moire ; je les ouï dire hier par la meilleure soubrette qui ait peut-être existé depuis Molière. On jouait Tartufe ; je n'étais pas allé au spectacle de près d'un mois. Le matin, un ami me prêta un louis ; je n'ai jamais tant joui, beaucoup plus que si J'avais reçu ma pension le premier du mois. On jouait, pour la première fois, Molière avec ses amis : c'est l'anecdote de Chapelle, Boileau, La Fontaine, Mignard, Lulli, qui veulent s'aller noyer : touchante réunion î que de grands hommes ! On les voit souper et s'enivrer sur le théâtre ; la pièce ne vaut pas grand'chose ; mais on ne cesse pas d'applaudir, toutes les fois surtout que les acteurs disaient en s'adres-sant la parole : « A toi, La Fontaine ! verse donc à boire à Molière! » on applaudit à tout rompre. Il y avait des larmes dans les yeux de tous les jeunes gens.

Lis la Vie de Molière par Grimarest, dans la vieille édition de Claix. Le jaloux et envieux Voltaire n'a pas manqué d'en faire faire une bien sèche qu'on imprime, à cette heure, à la tête des éditions nou­velles : cet homme n'a jamais manqué une occasion de nuire aux grands hommes ; aussi ne puis-je pas le souffrir.

J'en étais ici, lorsque mon portier m'ap­porta une lettre de mon père, qui est