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je ne t'écrirais que demain matin ; peut-être quelqu'un viendra-t-il et je ne t écri­rais pas de quatre ou cinq jours. Celui-ci est cependant mal pris pour te répondre ; je suis ennuyé. Imagine-toi que nous sommes au 17 messidor, et que mon père ne m'a rien envoyé pour mon mois de messidor ; cela fait que je suis obligé d'emprunter, ce qui me rend moins gai ; étant moins gai, je suis moins aimable ; étant moins aimable, je vois d'autres avoir les succès qui auraient été pour moi. Voilà comment un malheur ne vient jamais sans l'autre. Heureusement, quand j'ai été comme cela deux jours, je le dis bonnement, et on rit de mon malheur, et je me mets à rire.

Mais je m'aperçois que je bavarde ; cependant tu peux voir que, dans la si­tuation que j'ai le plus désirée, jeune, libre et à Paris, il ne tiendrait qu'à moi de pleurer tout le jour. Il ne faut pas en conclure que la vie est pleine de chagrin ; il faut en conclure que l'homme a ses torts. La plupart de ces petits événements journaliers ne nous ennuient pas quand nous voulons bien ne pas nous en laisser ennuyer. Réfléchis bien à cela : si tu étais homme, je te dirais que tu es fait pour devenir un grand homme. Cette concep­tion d'un meilleur état, ce regret d'un