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« Les goûts (petites passions de quinze jours, un mois) charment la vie ', les passions la tuent. »

Je te dirai encore ici que je l'ai éprouvé : je me cite souvent, parce que je suis l'homme dont je connais le mieux le cœur.

L'homme moral se divise en. cœur ou centre des passions, et en tête ou centre de combinaisons et de jugements. On peut parvenir avec de la sincérité â connaître à peu près son cœur; il faut avoir bien peu d'orgueil pour connaître sa tête, et, comme on en a toujours, jamais on ne la connaît bien ; voilà dans quel sens on a raison de dire qu'il est très difficile de se connaître soi-même.

J'ai fait, en Italie et à Paris, des folies à me faire tout perdre, même l'honneur ; par exemple, j ai monté derrière une voiture pendant une soirée comme laquais ; j'ai pris dans une bibliothèque un livre où l'on m'avait rapporté que l'on cachait des lettres. Tout cela a passé par bonheur et par une franchise audacieuse que m'ins­pirait la passion et qui me fait frémir à cette heure.

Cependant, tout s'est su, même ce que je n'ai jamais confié ; on m'a dit que j'étais monté derrière une voiture, une livrée sur le dos, etc., etc.

Voilà la grande différence d'un homme