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54. — Â

A EDOUARD MOUNIER

Grenoble, Pluviôse XII. [Février 1804.\

Mille pardons, mon bon ami, si j'ai, tant tardé à vous répondre. Depuis un mois, je suis plongé dans ce qu'on appelle les plaisirs du carnaval1. J'ai dansé ce matin jusqu'à six heures ; je me lève à quatre pour vous dire enfin une partie des choses que m'a fait éprouver votre lettre, car toutes c'est impossible. Depuis un mois, j'ai livré ma vie à toutes les dissipations possibles. Je vou­lais oublier de sentir. J'ai trouvé ici, comme ailleurs, beaucoup d'amour- propre et point d'âme. J'aime mieux les passions avec tous leurs orages que la froide insen­sibilité où j'ai vu plongés les heureux de ce pays. Elles me rendent malheureux aujourd'hui, peut-être un jour feront-elles mon bonheur ; d'ailleurs indiquez-moi le chemin pour sortir de leur empire ? Un moment de leur bonheur ne vaut-il

1. Le mardi-gras en 1804 tombait le 14 lévrier, et les redoutes s'ouvrirent à Grenoble, le 3 janvier 1804, dans la salle du concert, noua apprend le Journal de l'Itère-.