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le plusl. J'ai donc lu le Contrat social et VEspril des lois. Le premier ouvrage m'a charmé, excepté lorsqu'il dit que 600.000 Romains pouvaient voter en connaissance de cause sur les affaires. Le second, que j'ai lu deux fois, m'a paru bien au-dessous de sa réputation. Je vous dis ça à vous qui, instruit dans cette partie, ne verrez pas de l'orgueil, mais une consultation, dans ce que je vous dis. Que m'importe de savoir l'esprit d'une mauvaise loi ; cela m'enseigne à faire un extrait et voilà tout. Ne valait-il pas bien mieux dire les lois qui, prenant les hommes tels qu'ils ôont, peuvent leur procurer la plus grande masse de bonheur possible ? Ce livre, fait comme le pouvait faire Montesquieu, eût peut-être prévenu la Révolution.

J'ai enfin lu un ouvrage qui me semble bien singulier, sublime en quelques parties, méprisable en d'autres, et bien découra­geant en toutes : l'Esprit d'Helvétius. Ce livre m'avait tellement entraîné dans ses premières parties, qu'il m'a fait douter quelques jours de l'amitié et de l'amour. Enfin, j'ai cru reconnaître qu'Helvétius, n'ayant jamais senti ces douces affections, était, d'après ses propres principes, inca­pable de les peindre. Comment pourrait-il

1, Je père d'Edouard Mouiller,