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tout, le jour à la chasse, et leur soupçon a augmenté lorsqu'ils se sont aperçus que j'allais lire dans une chaumière abandon­née. Je crois que c'est là le véritable en­droit pour lire la Nouvelle Héloïse ; aussi ne nra-t-elle jamais paru si charmante ; j'y relisais aussi quelques lettres que j'ai reçues de mes amis, et surtout une dont je n'ai que la copie, mais qui n'en vit pas moins pour cela dans mon cœur. Il me semblait que, dans l'ordre actuel de la société, les âmes élevées doivent être presque toujours malheureuses, et d'au­tant plus malheureuses qu'elles méprisent l'obstacle qui s'oppose à leur félicité. Ne serait-ce pas, par exemple, la plus forte épreuve où peut être mise une âme de cette espèce, que d'être arrêtée dans ses plus chers désirs, par des considérations d'argent, et par le respect dû aux vo­lontés d'un homme dont elle méprise l'opinion ? Je ne sais si vous m'entendez ; mais si vous comprenez ce qui m'arrête, je dois être justifié à vos yeux, et vous devez me répondre.

Ces idées et la tristesse qu'elles inspirent m'ont engagé à lire les ouvrages qui traitent des lois qui sont les bases des usages et des mœurs ; j'avais aussi un secret orgueil de me rapprocher par là de celui de mes compatriotes que j'estime