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nante par la patience infinie qu'elle sup­pose dans les divers ouvriers qui ont con­tribué à sa construction ; il y a peut-être mille statues depuis quarante pieds de proportion jusqu'à six pouces. Je ne te parle pas du Mont Saint-Bernard, tu en liras un jour la description dans un des Mille et un Voyages en Italie. Tout ce que je puis te dire, c'est qu'on en a ex-traordinairement exagéré la difficulté. Il n'y a pas un instant de danger pour les hommes. J'ai passé devant le fort de Bard, une montagne bien plus difficile. Imagine-toi un encaissement comme celui de la Vallée de Saint-Paul, près de Claix. Au milieu, un monticule ; sur ce monticule, un fort ; le chemin droit au fort dans le fond de la vallée et passant à portée de pistolet, sous le fort. Nous l'avons quitté à 300 t[oises] du fort et avons grimpé la montagne sous le feu continuel du fort1. Ce qui nous a fait le plus de peine, ç'a été nos chevaux qui, à chaque sifflement de boulet ou d'obus, se précipitaient de cinq à six pieds. Je ne sais si tu comprends toute cette description, mais je veux te faire partager ce spectacle vraiment éton­nant et je n'ai qu'un instant pour t'écrire. Il y a ici une salle de spectacle superbe.

1. Voir la Vie d'Henri Brulard, chap. 45.