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— Vous lui en donnâtes ?

— Non, j'en avalai une gorgée et cela me remit jusqu'à Versaillesl.

Ces deux traits sont vrais ; remarque cette manière de conter, voilà le bon ton simple, aisé, concis : un provincial n'eût pas manqué d'y mettre du pathétique et même de l'horrible, eût décrit la cassure de la cuisse, eût parlé du sang. Le talent qui fait fuir ces défaut à M. S... se nomme délicatesse.

Il faut, dans le monde, dire tout avec simplicité et aisance, bien se dire à soi-même et ne jamais dire à d'autres qu'on se réunit pour se donner du plaisir, et supprimer tout ce qui diminue celui que vous pouvez donner. Pour plaire aux gens, il faut les occuper d'eux et, par consé­quent, parler très peu de soi ; il faut que vos traits soient vifs, et il y a une marque bien claire du plaisir que vous, procurez. On n'a presque jamais affaire qu'à la vanité des gens. Un homme vain cherche à découvrir à chaque instant quelque nouvel avantage en lui ; dès qu'il en découvre un, vous en avez une marque

1. Dans sa Filosofia noua, à la date du 29 juillet 1804 (édition du Divan, t. IX, p. 842), Boyle racontait cette même anecdote et le 9 mars 1841, à Civlta-Yecchia, il s'en souvenait encore pour la citer a nouveau dans l'ébauche qu'il écrivait alors de son roman : bamiel. {Cf. Lamiel, édition du Divan, pp. 310-311.)