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tempêtes. C’est alors qu’on l’accusait de n’avoir pas des sentiments français.

Il est pourtant très français dans ses opinions sur la peinture, bien qu’il prétende la juger en Italien. Il apprécie les maîtres avec les idées françaises, c’est-à-dire au point de vue littéraire. Les tableaux des écoles d’Italie sont examinés par lui comme des drames.

C’est encore la façon de juger en France, où l’on n’a ni le sentiment de la forme, ni un goût inné pour la couleur. Il faut une sensibilité particulière et un exercice prolongé pour aimer et comprendre la forme et la couleur. B prête des passions dramatiques à une Vierge de Raphaël. J’ai toujours soupçonné qu’il aimait les grands peintres des écoles lombarde et florentine, parce que leurs ouvrages le faisaient penser à bien des choses auxquelles sans doute les maîtres ne pensaient pas. C’est le propre des Français de tout juger par l’esprit. Il est juste d’ajouter qu’il n’y a pas de langue qui puisse exprimer les finesses de la fourre ou la variété des effets de la couleur. Faute de pouvoir exprimer ce que l’on sent, on réécrit. d’autres sensations qui peuvent être comprises par tout le monde.

B m’a toujours ; paru assez indifférent à l’architecture, et s’avait sur cet art que des idées d’emprunt. Je crois lui avoir appris à distinguer une église romane d’une église gothique, et, qui plus est à regarder l’une et l’autre. Il reprochait à nos églises d’être tristes.

Il sentait mieux la sculpture de Canova que tout autre, même que les statues grecques ; peut-être parce que Canova a travaillé pour les gens de lettres. Il s’est beaucoup plus occupé des idées qu’il exciterait dans l’esprit cultivé, que de l’impression qu’il pourrait produire sur un œil qui aime et connaît la forme.

Pour B, la poésie était lettre close. Souvent il lui arrivait destropier, en les citant., des vers français. Il ne connaissait ni le mètre ni l’accentuation des vers anglais et italiens, et cependant il était réellement sensible à certaines beautés de Shakespeare et du dante, qui sont intimement unies à la forme du vers. Il a dit son dernier mot sur la poésie dans son livre de l’amour : “ Les vers furent inventés pour aider la mémoire ; les conserver dans l’art dramatique, reste de la barbarie. ” Racine lui déplaisait souverainement. Le grand reproche que nous lui adressions vers 1820, c’est qu’il manque absolument aux mœurs,