Page:Stendhal - Chroniques italiennes, Lévy, 1855.djvu/199

Cette page n’a pas encore été corrigée

la peur de l’enfer et une passion exaltée pour une femme, c’est-à-dire, ce qu’il y a de plus terrible et de plus doux aux yeux de tous les hommes, pour peu qu’ils soient au-dessus de l’état sauvage.

Il n’est pas étonnant que la peinture de don Juan ait été introduite dans la littérature par un poète espagnol. L’amour tient une grande place dans la vie de ce peuple ; c’est là-bas, une passion sérieuse et qui se fait sacrifier, haut la main, toutes les autres, et même, qui le croirait ? la vanité ! Il en est de même en Allemagne et en Italie. A le bien prendre, la France seule est complètement délivrée de cette passion, qui fait faire tant de folies à ces étrangers : par exemple, épouser une fille pauvre, sous le prétexte qu’elle est jolie et qu’on en est amoureux. Les filles qui manquent de beauté ne manquent pas d’admirateurs en France ; nous sommes gens avisés. Ailleurs, elles sont réduites à se faire religieuses, et c’est pourquoi les couvents sont indispensables en Espagne. Les filles n’ont pas de dot en ce pays, et cette loi a maintenu le triomphe de l’amour. En France, l’amour ne s’est-il pas réfugié au cinquième étage, c’est-à-dire parmi les filles qui ne se marient pas avec l’entremise du notaire de famille ?

Il ne faut pas parler du don Juan de lord Byron, ce n’est qu’un Faublas, un beau jeune homme insignifiant, et sur lequel se précipitent toutes sortes de bonheurs invraisemblables.

C’est donc en Italie et au seizième siècle seulement qu’a dû paraître, pour la première fois, ce caractère singulier.