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encore plus froide et plus sévère qu’à l’ordinaire, elle lui dit qu’elle l’aimait. Bientôt elle n’eut plus rien à lui refuser.

Si sa folie fut grande, il faut avouer que Vanina fut parfaitement heureuse. Missirilli ne songea plus à ce qu’il croyait devoir à sa dignité d’homme ; il aima comme on aime pour la première fois à dix-neuf ans et en Italie. Il eut tous les scrupules de l’amour-passion, jusqu’au point d’avouer à cette jeune princesse si fière, la politique dont il avait fait usage pour s’en faire aimer. Il était étonné de l’excès de son bonheur. Quatre mois passèrent bien vite. Un jour, le chirurgien rendit la liberté à son malade. Que vais-je faire ? pensa Missirilli ; rester caché chez une des plus belles personnes de Rome ? Et les vils tyrans qui m’ont tenu treize mois en prison sans me laisser voir la lumière du jour croiront m’avoir découragé ! Italie, tu es vraiment malheureuse, si tes enfants t’abandonnent pour si peu !

Vanina ne doutait pas que le plus grand bonheur de Pietro ne fût de lui rester à jamais attaché ; il semblait trop heureux ; mais un mot du général Bonaparte retentissait amèrement dans l’âme de ce jeune homme, et influençait toute sa conduite à l’égard des femmes. En 1796, comme le général Bonaparte quittait Brescia, les