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lui le front couvert de rougeur, et craignant des propos d’amour, fut déconcertée de l’amitié noble et dévouée, mais fort peu tendre, avec laquelle il la reçut. Elle partit sans qu’il essayât de la retenir.

Quelques jours après, lorsqu’elle revint, même conduite, mêmes assurances de dévouement respectueux et de reconnaissance éternelle. Bien loin d’être occupée à mettre un frein aux transports du jeune carbonaro, Vanina se demanda si elle aimait seule. Cette jeune fille, jusque-là si fière, sentit amèrement toute l’étendue de sa folie. Elle affecta de la gaieté et même de la froideur, vint moins souvent, mais ne put prendre sur elle de cesser de voir le jeune malade.

Missirilli, brûlant d’amour, mais songeant à sa naissance obscure et à ce qu’il se devait, s’était promis de ne descendre à parler d’amour que si Vanina restait huit jours sans le voir. L’orgueil de la jeune princesse combattit pied à pied. — Eh bien ! se dit-elle enfin, si je le vois, c’est pour moi, c’est pour me faire plaisir, et jamais je ne lui avouerai l’intérêt qu’il m’inspire. Elle faisait de longues visites à Missirilli, qui lui parlait comme il eût pu faire si vingt personnes eussent été présentes. Un soir, après avoir passé la journée à le détester et à se bien promettre d’être avec lui