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Savelli qui semblait fort amoureux. C’était le jeune homme le plus brillant de Rome, et de plus lui aussi était prince ; mais, si on lui eût donné à lire un roman, il eût jeté le volume au bout de vingt pages, disant qu’il lui donnait mal à la tête. C’était un désavantage aux yeux de Vanina.

Vers le minuit une nouvelle se répandit dans le bal, et fit assez d’effet. Un jeune carbonaro, détenu au fort Saint-Ange, venait de se sauver le soir même, à l’aide d’un déguisement, et, par un excès d’audace romanesque, arrivé au dernier corps de garde de la prison, il avait attaqué les soldats avec un poignard ; mais il avait été blessé lui-même, les sbires le suivaient dans les rues à la trace de son sang, et on espérait le ravoir.

Comme on racontait cette anecdote, don Livio Savelli, ébloui des grâces et des succès de Vanina, avec laquelle il venait de danser, lui disait en la reconduisant à sa place, et presque fou d’amour :

— Mais, de grâce, qui donc pourrait vous plaire ?

— Ce jeune carbonaro qui vient de s’échapper, lui répondit Vanina ; au moins celui-là a fait quelque chose de plus que de se donner la peine de naître.

Le prince don Asdrubale s’approcha