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pensa le jeune Français ; elle ne se tient dans cette pièce que quand elle m’attend.

Le chevalier lui prit la main ; elle frémit. Ses yeux se remplirent de larmes ; elle sembla si jolie au chevalier, qu’il eut un instant d’amour. Elle, de son côté, oublia tous les serments que pendant deux jours elle avait faits à la religion ; elle se jeta dans ses bras, parfaitement heureuse : « Et voilà le bonheur dont désormais l’Orsini jouira !… » Sénecé, comprenant mal, comme à l’ordinaire, une âme romaine, crut qu’elle voulait se séparer de lui avec bonne amitié, rompre avec des formes. « Il ne me convient pas, attaché que je suis à l’ambassade du roi, d’avoir pour ennemie mortelle (car telle elle serait) la nièce du souverain auprès duquel je suis employé. » Tout fier de l’heureux résultat auquel il croyait arriver, Sénecé se mit à parler raison. Ils vivraient dans l’union la plus agréable ; pourquoi ne seraient-ils pas très heureux ? Qu’avait-on, dans le fait, à lui reprocher ? L’amour ferait place à une bonne et tendre amitié. Il réclamait instamment le privilège de revenir de temps à autre dans le lieu où ils se trouvaient ; leurs rapports auraient toujours de la douceur…

D’abord la princesse ne le comprit pas. Quand, avec horreur, elle l’eut compris,