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ficence semblaient la seule occupation de tant d’étrangers et de nationaux réunis.

Les deux nièces du pape, la comtesse Orsini et la princesse Campobasso, se partageaient la puissance de leur oncle et les hommages de la cour. Leur beauté les aurait fait distinguer même dans les derniers rangs de la société. L’Orsini, comme on dit familièrement à Rome, était gaie et disinvolta, la Campobasso tendre et pieuse ; mais cette âme tendre était susceptible des transports les plus violents. Sans être ennemies déclarées, quoique se rencontrant tous les jours chez le pape et se voyant souvent chez elles, ces dames étaient rivales en tout : beauté, crédit, richesse.

La comtesse Orsini, moins jolie, mais brillante, légère, agissante, intrigante, avait des amants dont elle ne s’occupait guère, et qui ne régnaient qu’un jour. Son bonheur était de voir deux cents personnes dans ses salons et d’y régner. Elle se moquait fort de sa cousine, la Campobasso, qui, après s’être fait voir partout, trois ans de suite, avec un duc espagnol, avait fini par lui ordonner de quitter Rome dans les vingt-quatre heures, et ce, sous peine de mort. « Depuis cette grande expédition, disait l’Orsini, ma sublime cousine n’a plus souri. Voici quelques mois surtout