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simplement une retraite décente dans laquelle on peut faire vivre avec économie de pauvres filles de haute naissance qui ont le malheur d’avoir des frères. On ne leur demande ni abstinence, ni abnégation, ni malheurs intérieurs qui viendraient aggraver gratuitement le malheur d’être sans fortune. Quant à moi, à la vérité, je suis arrivée ici avec l’intention d’obéir à mes parents, mais bientôt Gennarino m’a aimée, je l’ai aimé, et, quoique fort pauvres l’un et l’autre, nous avons pensé à nous marier et à aller vivre dans une petite campagne à vingt lieues de Naples, sur les bords de la mer au delà de Salerne. Sa mère lui a dit qu’elle lui ferait donner la ferme de cette petite terre, qui ne rapporte que cinq cents ducats à la famille. Sa pension comme cadet est de quarante ducats par mois ; on ne pourra guère me refuser, une fois mariée, la pension que ma famille m’accorde ici pour se débarrasser de moi et, sortie d’un procès, ce sont encore dix ducats par mois. Vingt fois nous avons fait nos calculs ; avec toutes ces petites sommes, nous pouvons vivre, sans gens à notre livrée, mais fort bien, avec ce qui est nécessaire à la vie physique. Toute la difficulté consiste à obtenir de l’humeur altière de nos parents qu’ils nous laissent vivre comme de simples