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perdue, le roi m’a fait cornette dans sa garde, et à cette occasion mon père m’a déclaré que moi, mes gens et mes chevaux nous serions logés et nourris au palais de la famille, mais que du reste je devais songer à vivre avec la pension de dix ducats par mois qui, dans notre famille, a toujours été donnée aux cadets.

« Ainsi, chère Rosalinde, nous sommes aussi pauvres et aussi déshérités l’un que l’autre. Mais pensez-vous qu’il soit indispensable et de notre devoir étroit d’être malheureux toute notre vie ? La position désespérée où l’on nous place me donne la hardiesse de vous dire que nous nous aimons et que la cruelle avarice de nos parents ne doit point avoir une complice dans nos volontés. Je finirai par vous épouser, un homme de ma naissance trouvera bien les moyens de vivre. Je ne crains au monde que votre extrême piété. En entretenant une correspondance avec moi, gardez-vous bien de vous considérer comme une religieuse infidèle à ses vœux ; bien loin de là : vous êtes une jeune femme que l’on veut séparer du mari que son cœur a choisi. Daignez avoir du courage, et surtout ne pas vous irriter contre moi ; je n’ai point envers vous une hardiesse inconvenante, mais mon cœur est navré par la possibilité de passer quinze jours