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s’approcha, sans faire du bruit, mit l’œil à la serrure et vit un beau jeune homme qui, assis à table, soupait en riant avec Martona. Julie donna quelques coups à la porte, puis venant à songer que Martona pourrait fort bien ouvrir cette porte, l’enfermer avec ce jeune homme et la dénoncer, elle, Julie, à l’abbesse, dont elle serait crue à cause de l’habitude que Martona avait de passer sa vie avec l’abbesse, Julie fut saisie d’un trouble extrême. Elle se vit en imagination poursuivie dans le corridor solitaire et fort obscur en ce moment, où l’on n’avait pas encore allumé les lampes, par Martona qui était beaucoup plus forte qu’elle. Julie toute troublée prit la fuite, mais elle entendit Martona ouvrir sa porte, et se figurant avoir été reconnue par elle, elle alla tout dire à l’abbesse, laquelle horriblement scandalisée accourut à la chambre de Martona où l’on ne trouva pas Julien qui s’était enfui au jardin. Mais cette même nuit, l’abbesse ayant cru prudent, même dans l’intérêt de la réputation de Martona, de [la faire] coucher dans la chambre d’elle, abbesse, et lui ayant annoncé que dès le lendemain matin elle irait elle-même, accompagnée du Père ***, confesseur du couvent, mettre les scellés sur la porte de sa cellule, où la méchanceté avait pu