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précisément la même chose qu’introduire dans ce malheureux couvent toutes les fureurs de l’inquisition espagnole. Ce n’est pas une seule de ces pauvres jeunes filles que ce terrible évêque fera périr, mais peut-être cinq ou six ; et qui sera coupable de leur mort, si ce n’est moi, qui n’avais qu’à commettre un bien petit abus de confiance pour qu’elle n’eût pas lieu ? Si le prince vient à savoir ce qui s’est passé et me fait des reproches, je lui dirai : votre terrible évêque m’a fait peur. »

Le comte n’osait pas s’avouer bien exactement tous les motifs qu’il avait pour se taire. Il n’était pas sûr que la belle Félize ne fût pas coupable, et tout son être était saisi d’horreur à la seule idée de mettre en péril la vie d’une pauvre jeune fille si cruellement traitée par ses parents et par la société. « Elle serait l’ornement de Florence », se disait-il, « si on l’eût mariée. »

Le comte avait invité à une magnifique partie de chasse dans la maremme de Sienne, dont la moitié lui appartenait, les plus grands seigneurs de la Cour et les plus riches marchands de Florence. Il s’excusa auprès d’eux, la chasse eut lieu sans lui, et Félize fut bien étonnée en entendant, dès le surlendemain, de la