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si habile et si plaisante. Nous voulons parler de cet aveu de sa passion pour le comte, autrefois fait par elle à l’abbesse, afin qu’elle le redît au comte. Alors elle était loin de l’aimer comme elle faisait maintenant. Il lui avait semblé plaisant d’attaquer le cœur du grave commissaire que le prince donnait au couvent. Maintenant, ses sentiments étaient bien différents : lui plaire était nécessaire à son bonheur ; si elle n’y réussissait pas, elle serait malheureuse, et qu’est-ce que dirait un homme aussi grave de l’étrange confidence que lui ferait l’abbesse ? Il pouvait fort bien la trouver indécente, et cette idée mettait Félize à la torture. Il fallait parler. Le comte était là, grave, assis devant elle et lui adressant des compliments sur la haute portée de son esprit. L’abbesse lui a-t-elle déjà parlé ? Toute l’attention de la jeune religieuse se concentra sur cette grande question. Par bonheur pour elle, elle crut voir ce qui en effet était la vérité : que l’abbesse, encore tout effrayée de la vue des deux cadavres qui lui avaient apparu dans cette nuit fatale, avait oublié un détail aussi futile que le fol amour conçu par une jeune religieuse.

Le comte de son côté voyait fort bien le trouble extrême de cette belle personne