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grand-duc avait jeté Félize dans une joie immodérée. Enfin elle reverrait cet homme singulier, cause unique de toutes ses démarches depuis six mois ! Par un effet contraire, la venue du comte avait jeté dans une profonde terreur Céliane et la jeune Fabienne, son amie.

« Tes scrupules nous auront perdues », dit Céliane à Fabienne. « L’abbesse est trop faible pour ne pas avoir parlé. Et maintenant notre vie est entre les mains du comte. Deux partis nous restent : prendre la fuite, mais avec quoi vivrions-nous ? L’avarice de nos frères saisira le prétexte du soupçon de crime qui plane sur nous, pour nous refuser du pain. Anciennement, quand la Toscane n’était qu’une province de l’Espagne, les malheureux Toscans persécutés pouvaient se réfugier en France. Mais ce grand-duc cardinal a tourné ses yeux vers cette puissance et veut secouer le joug de l’Espagne. Impossible à nous de trouver un refuge, et voilà, ma pauvre amie, à quoi nous ont conduits tes scrupules enfantins[1]. Nous n’en serons pas moins obligées de commettre le crime, car Martona et l’abbesse sont les seuls témoins dangereux de ce qui s’est passé dans cette nuit fatale. La tante de Rodelinde ne dira

  1. Bon motif pour agir. (Note de Stendhal sur le manuscrit italien.)