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grand-duc[1]. Il a porté sur le trône les idées d’un homme qui a été vingt-cinq ans cardinal. Notre crime est un des plus grands que l’on puisse commettre aux yeux de la religion ; en un mot, la vie de l’abbesse c’est notre mort.

— Que veux-tu dire ? s’écria Fabienne en essuyant ses larmes.

— Je veux dire qu’il faut que tu obtiennes de ton amie, Victoire Ammanati, qu’elle te donne un peu de ce fameux poison de Pérouse que sa mère lui donna en mourant, elle-même empoisonnée par son mari. Sa maladie avait duré plusieurs mois et peu de personnes eurent l’idée du poison ; il en sera de même de notre abbesse.

— Ton idée me fait horreur, s’écria la douce Fabienne.

— Je ne doute pas de ton horreur et je la partagerais, si je ne me disais [que] la vie de l’abbesse c’est la mort de Fabienne et de Céliane. Songe à ceci : madame l’abbesse est absolument incapable de se taire ; un mot d’elle suffit pour persuader le cardinal grand-duc, qui affiche surtout l’horreur des crimes occasionnés par l’ancienne liberté qui régnait dans nos pauvres couvents. Ta cousine est fort liée avec

  1. Sujet de crainte. (Note de Stendhal sur le manuscrit italien.)