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avec un ton d’orgueil et de fermeté, qui en imposa à l’abbesse, « si vous aimez la paix et si l’honneur du noble monastère vous est cher, vous saurez vous taire et ne point faire de tout ceci une tracasserie auprès du grand-duc. Vous aussi, vous avez aimé, on croit généralement que vous avez été sage, et c’est une supériorité que vous avez sur nous ; mais si vous dites un mot de cette affaire au grand-duc, bientôt elle sera l’unique entretien de la ville et l’on dira que l’abbesse de Sainte Riparata, qui a connu l’amour dans les premières années de sa vie, n’a pas assez de fermeté pour diriger les religieuses de son couvent. Vous nous perdrez, madame, mais vous vous perdrez vous-même encore plus certainement que nous. Convenez, madame », dit-elle à l’abbesse qui poussait des soupirs et des exclamations confuses et de petits cris d’étonnement qui pouvaient être entendus, « que vous ne voyez pas vous-même en ce moment ce qu’il y a à faire pour le salut du couvent et pour le vôtre ! »

Et l’abbesse restant confuse et silencieuse, Céliane ajouta :

« Il faut vous taire d’abord, et ensuite l’essentiel est d’emporter loin d’ici et à l’instant même ces deux corps morts qui feront notre perte, à vous et à nous, s’ils sont découverts. »