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car la nuit profondément obscure ne lui permit point d’abord de reconnaître Fabienne et Céliane.

« Filles impies », s’écria-t-elle d’une voix qu’elle voulait rendre imposante, « imprudentes malheureuses ! Est-ce ainsi que vous servez la majesté divine ? Songez que le grand saint Benoît, votre protecteur, vous regarde du haut du ciel et frémit en vous voyant sacrilèges à sa loi. Rentrez en vous-mêmes, et comme la cloche de la retraite a sonné depuis longtemps, regagnez vos appartements en toute hâte et mettez-vous en prière, en attendant la pénitence que je vous imposerai demain matin. »

Qui pourrait peindre la stupeur et le chagrin qui remplirent l’âme de Céliane et de Fabienne, en entendant au-dessus de leurs têtes et si près d’elles la voix puissante de l’abbesse irritée ? Elles cessèrent de parler et se tenaient immobiles lorsqu’une bien autre surprise vint les frapper ainsi que l’abbesse. Ces dames entendirent à huit ou dix pas d’elles à peine et de l’autre côté de la porte, le bruit violent d’un combat à coups d’épée. Bientôt des combattants blessés jetèrent des cris ; quelques-uns étaient de douleur. Quelle ne fut pas la douleur de Céliane et de Fabienne en reconnaissant la voix